Combien de fois avez-vous entendu l’un ou l’une de vos proches dire : « il faut que je fasse une pause des réseaux sociaux » ou « j’ai encore passé deux heures à scroller sans m’en rendre compte » ? Parler de nos usages numériques, c’est parler de quelque chose de très intime, parfois sensible, parfois clivant - mais pourtant ô combien nécessaire pour réussir à questionner collectivement nos rapports et comprendre ce que le numérique change dans nos vies, mais aussi dans la société.
Mais dans la pratique, c’est pas toujours simple de trouver la bonne approche selon la personne que l’on a en face de nous : entre celui ou celle qui se passionne pour l’IA et celui ou celle qui, au contraire, se méfie des technologies, on s’adapte forcément un peu. 🙂
Questionner notre rapport au numérique demande de ralentir, à l’inverse du rythme frénétique des technologies actuelles. Cela nécessite du temps, de l’écoute et du lien, parce que ces conversations ne se construisent pas dans l’instantanéité ni dans la performance, mais dans la vulnérabilité et l’acceptation de nos contradictions.
Inspirée par l’atelier « Climat d’écoute » auquel l’équipe de Latitudes a participé en novembre, j’avais envie que l’on se dote nous aussi d’une petite banque de conseils simples pour toutes les personnes qui souhaitent parler du numérique avec plus de sérénité.
Voici donc quelques astuces issues des expériences et pratiques partagées par l’équipe salariée et bénévole de Latitudes, pour parler du numérique - sans tension. 🫶
1. Adoptez une posture d’écoute active
Avant de donner un seul conseil, prenez le temps d’écouter ce que l’autre a à dire. Essayez d’identifier l’émotion ou le besoin derrière l’usage : le besoin de lien, la curiosité, la solitude, une pression sociale, l’anxiété, l’envie de se détendre…Pour mieux saisir ces besoins, privilégiez les questions ouvertes (pourquoi ? comment ?), qui invitent la personne à approfondir ce qu’elle ressent.
Écouter, c’est aussi accepter de simplement ressentir pendant que l’autre s’exprime, sans chercher immédiatement à formuler ou préparer une réponse dans sa tête.
👉 À la fin de l’article, vous trouverez une sélection de questions ouvertes pour lancer facilement la discussion.
2. Parlez du vécu, et adaptez votre discours
Beaucoup ont déjà interrogé leur relation au numérique (la méfiance des informations, le temps passé sur des réseaux sociaux, l’impact des notifications sur sa concentration, l’impact sur le bien-être, etc.).
Parlez d’expériences concrètes que la personne a déjà vécues. Les préoccupations peuvent varier d’une personne à l’autre : ajustez votre manière d’en parler pour que cela fasse écho à sa réalité. Ce qui vous touche (ex : l’impact écologique du numérique) ne touchera pas forcément votre interlocuteur.
Maintenant que vous connaissez mieux son rapport au numérique (ses habitudes, ses sensibilités, ou bien ses peurs), adaptez votre discours en fonction de la personne en face de vous et utilisez le même vocabulaire.
Quelques exemples : avec les jeunes, on peut aborder la santé mentale ou l’impact des algorithmes ; avec des personnes actives : l’évolution des métiers face à l’IA ou la pression d’être joignable en permanence ; et avec des personnes plus âgées : la sécurité ou la protection des données
3. Faites preuve d’humilité plutôt que de persuasion
Questionnez-vous pendant votre échange : « est-ce que je veux avoir raison, ou est-ce que je veux être en lien avec l’autre ? ». Chercher à convaincre à tout prix (ou pire, à culpabiliser) peut couper court à la conversation.
À l’inverse, si l’on fait preuve d’humilité et que l’on se concentre sur le lien et sur l’écoute, on installe un climat de confiance. Et il n’y a pas de secret, vous aurez plus de chances que votre message soit entendu dans ce climat. 🙂
Valorisez aussi ce que l’autre fait déjà, même si cela vous semble minime : reconnaître un effort ou une intention renforce la qualité de l’échange et l’ouverture de la discussion.
4. Montrez l’exemple
Soyez cette personne qui inspire en parlant de vos propres expériences. Racontez ce que vous avez déjà testé : désactiver certaines notifications, ranger votre téléphone pendant les repas, utiliser un fond d’écran en noir et blanc, adopter un forfait Télécoop ou essayer Linux. L’essentiel est de préciser qu’on ne passe pas de 0% à 100% en deux jours : c’est un chemin progressif, fait de petits pas. Pensez aussi à valoriser l’impact (positif) de ces actions : « depuis que je range mon téléphone au dîner, je suis plus présent et je m’en porte mieux ».
Incarnez votre discours : on inspire davantage en faisant, plutôt qu’en expliquant. Le simple fait de montrer que c'est possible (et que ce n’est pas trop compliqué) a souvent plus d’impact que n’importe quel discours.
5. Montrez les co-bénéfices
Pourquoi utiliser ces technologies de manière consciente et raisonnée ? Il n’y a pas de mauvaise réponse, mais elle dépend de la sensibilité de la personne en face de vous :
- sur la santé mentale : temps retrouvé, capacité à se concentrer, moins de sollicitations et plus de calme, meilleur sommeil, etc.
- sur sa vie sociale : des moments plus qualitatifs, des discussions plus profondes, des temps sans écrans qui favorisent l’attention, des informations reçues désirées et ciblées, etc.
- sur son indépendance : garder la maîtrise de ses outils et de ses usages, ne pas devenir entièrement dépendant ou dépendante de quelques entreprises étrangères, pouvoir choisir des services plus transparents, préserver une forme de souveraineté dans sa manière d’utiliser le numérique, etc.
- sur l'environnement : allonger la durée de vie de nos équipements, les louer et si vraiment on doit les acheter, les choisir reconditionnés. (Plus d’infos juste ici).
6. Proposer des challenges
Les défis numériques peuvent devenir un jeu : un repas sans téléphone, 24h sans notifications, un challenge de quinze jours sans Instagram, une soirée entre amis où l’on dépose tous les smartphones dans un panier, une promenade sans appareil, une réunion sans ordinateurs, etc.
Ce qui est intéressant ici, c’est d’observer ce que l’on en retire : peut-être une attention différente, de la disponibilité, du calme, etc. Pour les personnes compétitrices dans l’âme, vous pouvez même proposer un défi collectif : « Qui tiendra le plus longtemps sans regarder son téléphone pendant ce repas ? ».
7. S’autoriser à voir plus grand
Une fois qu’on a parlé de vécu et d’usages concrets, on peut élargir la conversation. Parler du numérique, ce n’est pas seulement questionner nos habitudes ou nos écrans, c’est aussi imaginer le modèle de société dont on rêve. Alors, quel serait notre numérique idéal ? 💭
Tout le monde peut se poser cette question, on a toutes et tous des rêves, et on a toutes et tous probablement refait le monde déjà 1000 fois. Chacun et chacune est légitime à imaginer ce futur-là.
Cette approche permet à la fois de valoriser les petits pas mais aussi de dédramatiser : « Bon, c’est pas grave si j’ai regardé Instagram au réveil, mais je peux essayer de m’aligner petit à petit vers un monde qui me ressemblerait plus 🙂 ». Elle aide à prendre conscience que le but n’est pas de culpabiliser chacun ou chacune en tant que consommateur et consommatrice du numérique, mais de replacer ces réflexions dans un cadre plus large, celui du système dans lequel nos usages s’inscrivent.
8. Envoyer de l’amour ♥️
J’aime souvent dire qu’il n’y a pas de petites actions, seulement des actions qui comptent. Si quelqu’un modifie un usage numérique, même de manière minime, montrez-lui que vous l’avez remarqué. Continuez d’encourager ses engagements, valorisez-les, et rappelez pourquoi ces pas ont du sens.
👉 Pour aller plus loin : des questions qui ouvrent le dialogue
Les conversations les plus intéressantes naissent souvent de questions ouvertes - posées dans un cadre bienveillant bien évidemment 😇. Pour alimenter ces échanges, Latitudes propose plusieurs ateliers (à retrouver juste ici) pour mieux comprendre les enjeux et impacts du numérique.
Que ce soit dans La Bataille de la Tech ou La Bataille de l’IA (des jeux de cartes pour questionner la place du numérique ou de l’IA), de nombreuses questions permettent de susciter le débat. L’objectif n’est pas de chercher une bonne réponse, mais d’inviter chacune et chacun à réfléchir.
Voici quelques exemples de questions qui fonctionnent très bien pour lancer une discussion :
- Craignez-vous que demain votre métier soit remplacé par une IA ?
- Vous arrive-t-il de trouver certaines réactions choquantes sur les réseaux sociaux ?
- Est-ce que vos grands-parents utilisent des IA ?
- Choisiriez-vous pour vos enfants une école sans écran ou bardée de tablettes ?
- Quel impact ont les réseaux sociaux sur notre perception de la réalité ?
- Faut-il boycotter l'IA générative dans l'enseignement ?
- ChatGPT va-t-il tuer notre imagination ?
- L'IA générative peut-elle permettre à l'Europe de reprendre la main sur sa souveraineté numérique ?
- Depuis combien de temps n’avez-vous pas regardé votre téléphone ?
📆 On organise chaque mois des sessions découvertes de nos ateliers pour approfondir ces sujets. Elles sont gratuites, en ligne et ouvertes à toutes et tous : n’hésitez pas à vous inscrire ! 🙂
🙏 Un grand merci à Margaux, Anne, Manon, Valentin, Christopher, Annabelle, Karen, Lisa, Hélène, Elise, Lucille, Marie et Héloïse pour leur contribution pour cet article.
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Climat d’écoute, c’est un atelier de 3h pour mettre des mots - et des conseils concrets - sur une question pas toujours simple : comment parler d’écologie autour de nous, y compris avec celles et ceux qui rejettent ou évitent ce sujet ?
Cet atelier, on ne peut que vous le conseiller si vous cherchez des méthodes chouettes qui embarquent le plus grand nombre.
👉 Créé avec Parlons Climat, l’atelier mêle présentations d’études sur le sujet et réflexions en groupe, le tout dans une ambiance bienveillante.

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