L’IA, partout. Alors, parlons-en bien.
Depuis l’irruption de ChatGPT en 2022, l’IA fait partie des sujets qui m’animent presque quotidiennement. D’abord parce que le sujet est omniprésent dans l’écosystème numérique, même si la hype semble (enfin) un tout petit peu ralentir. Ensuite parce que chez Latitudes, il s’incarne dans la bataille de l’IA, notre atelier de sensibilisation à l’IA générative, dans Future of IA, notre déclinaison pour les élèves de lycée, ou encore dans IA for Good, notre programme de sensibilisation et d’accompagnement des acteurs et actrices de l’ESS.
Depuis le début, et même si je suis à titre personnel très réservé (c’est une litote) sur les IA génératives grand public, je porte la conviction qu’il est devenu indispensable de parler d’IA(s). Pour de nombreuses raisons, des très bonnes et des moins bonnes. La moins bonne, c’est que tout le monde en parle, et que tout le monde veut en être d’une manière ou d’une autre. La meilleure raison, c’est que c’est un fabuleux prétexte pour (re)faire de l’éducation au numérique comme je l’aime : une éducation politique, populaire, technocritique et émancipatrice. Parce qu’à bien des égards, les IA(s) concentrent toutes les caractéristiques du fait social total qu’est « le » numérique, et en sont une forme d’aboutissement. Un rappel aussi que fondamentalement, l’ordinateur est, et a toujours été, une machine à stocker et à calculer des données.
Distinguer IA génératives et IA(s) : une nécessité pédagogique
D’autant qu’en matière d’IA(s), il y a un énorme malentendu dans la confusion omniprésente qui est faite entre IA génératives grand public (comme ChatGPT, pour citer l’acteur hégémonique du secteur) et IA(s) en général. Les deux termes ne sont pourtant pas au même plan. L’IA générative est un type de système d'intelligence artificielle capable de générer du texte, des images, des vidéos ou d'autres médias en réponse à des requêtes (souvent nommées prompts, leur terme anglais). L’intelligence artificielle est à la fois d’un concept, un champ de recherche et d’application, beaucoup plus vaste. Son ambition est de faire faire par des machines des tâches typiquement associées à l'intelligence humaine : l'apprentissage, le raisonnement, la résolution de problème, la perception ou la prise de décision.

Les IA génératives ont provoqué la dernière hype technologique, occupent tout l’espace médiatique, concentrent les investissements et les fantasmes. Mais elles ne représentent qu’une minuscule partie de ce qui délimite communément le domaine de l’IA. Les IA génératives grand public posent de sérieuses questions de soutenabilité économique, écologique, sociale, éthique. Les « intelligences artificielles » au sens large, qu’on devrait appeler autrement, ou à minima mettre au pluriel, tant l’expression est polysémique, forment un ensemble extrêmement vaste, presque infini en réalité. Dans cet ensemble, certains modèles peuvent être réellement utiles pour les transitions à venir. Très souvent, ces modèles sont développés en toute discrétion par des laboratoires de recherches publics et financés par des collectivités territoriales ou des fonds publics. Pas par des startups financées à coups de milliards par des fonds d’investissement en quête de rentabilité (et de visibilité) maximale. Très souvent, ces modèles sont des petits modèles, incomparablement moins gourmands que les LLM (Large Language Models), incomparablement moins médiatisés aussi.
Les IA, une question de nuances
Comme « le numérique », « les IA » ne forment pas un tout sur lequel on pourrait avoir un avis binaire, tout blanc, tout noir, ou même tout gris. Voilà pourquoi il est indispensable de parler d’IA(s) quand on fait de l’éducation au numérique. Et même de prétexter l’IA pour déclencher des actions d’éducation au numérique. Pour détricoter le vrai du faux, apporter de la nuance, de la complexité, de la critique bien sûr. Pour en faire le sujet de société et de débat qu’il devrait être : en ce sens, j’aime beaucoup la démarche des Cafés IA, pilotés par le CNNUM, dont Latitudes est d’ailleurs partie prenante.
Je ne suis pas futurologue, je ne sais pas quelle sera la prochaine hype techno-numérique. Mais ce qui est sûr, c’est que chez Latitudes, sur le temps long, nous continuerons inlassablement d’éduquer au numérique, de sensibiliser à ses impacts, de démystifier ses métiers. Et surtout, de former les citoyennes et citoyens d’un monde qui s’est numérisé et continue de se numériser sans jamais qu’on nous demande notre avis.