« On a pris le temps. » Ce n’est pas que la merveilleuse chanson de trois artistes talentueux (qu’il faut absolument écouter avant la lecture de cet article). C’est également la décision que nous avons prise chez Latitudes en adoptant la semaine de 4,5 jours.
Aujourd’hui, on vous explique comment on a pris le temps. En musique.
Travailler autrement, c’est possible.
« J'me souviens d'ce rendez-vous pris
La promesse d'une pause, d'un répit
Du repos pour mon esprit
Comme une bulle au milieu du bruit »
J’ai été recrutée dans l’équipe de Latitudes il y a 8 mois. Certains me nommeront « DAF », d’autres plutôt « RAF » mais pour faire simple, je suis comme une petite fourmi en charge, un peu dans l’ombre, des sujets RH, animation d’équipe, administratifs, comptables, financement…
En arrivant chez Latitudes, j’ai vécu mon bal des « premières fois » : les congés payés libres, la confiance incarnée, l’intelligence collective dans chaque décision quotidienne, la véritable empathie, la transparence des rémunérations… Oui, ce fut (et c’est encore) un sacré travail de déconstruction à mon échelle, mais je commence à intégrer le fait que le monde du travail peut aussi être un espace serein et sécurisant.
Mais je n’étais pas au bout de mes surprises. Et j’ai encore dû me pincer dix fois quand Manon (une des co-fondatrices) m’a annoncé que j’allais porter et animer, à ses côtés, un nouveau projet d’équipe. Un projet qui la faisait rêver secrètement. Un nouveau rythme hebdomadaire. La semaine de 4,5 jours.
Vous vous en doutez, l’intention derrière cette envie était bien sûr de trouver une réponse à ce fameux équilibre pro-perso tant recherché. Mais l’idée était également de questionner notre relation au temps de travail, de prendre du recul sur cette organisation que l’on nous incite à adopter depuis la fin de la Première Guerre mondiale (Merci les munitionnettes!). Oui, il fallait, nous aussi, que l’on tente de répondre à cette fameuse question : historiquement, on a bien réussi à passer de la semaine de 7 jours à la semaine de 6 puis de 5 jours, pourquoi pas 4,5 ?!
Changer notre rapport au temps
« J'ai pris une allure, une cadence, un rythme entêtant
Mais c'est vrai, j'ai pas pris l'temps depuis longtemps »
Pour tout vous dire, cette envie de diminuer le temps réservé au travail salarié au profit de celui réservé à la vie personnelle s’inscrit complètement dans la stratégie 2025/2027 de Latitudes : « Bienvenue dans le temps long ». Notre temps long, c’est le temps qu’il faut pour construire, récolter, repenser, peaufiner, améliorer, percuter, prendre soin.
Prendre soin. Une expression qui est souvent revenue sur la table des discussions autour de la semaine de 4,5 jours. Latitudes, en tant qu’association et par ses objectifs, est parfaitement insérée au sein de la grande Economie, Sociale et Solidaire (ESS). Comme elle, nous poursuivons des objectifs d’utilité sociale et reposons «sur des principes de solidarité, de coopération et de primauté de l'humain sur le profit. » Latitudes prend donc soin. Mais, on le sait bien, pour prendre soin des autres, il faut savoir prendre soin de soi. Nous désirions donc que cet aménagement du temps de travail nous réapprenne à ralentir pour prendre soin de nous, de notre société, de ceux qui nous entourent.
Chez Latitudes, nous sommes bien placés pour savoir combien le bénévolat et l’engagement sont précieux. Alors, il était temps de rendre la monnaie et d’ouvrir un temps à l’équipe pour qu’elle prenne soin de sa famille, de ses enfants, de son village, de son association sportive, de ses amis, d’elle-même.
« Ce qui allait pas, j'ai pris du temps pour le changer
J'ai pris du temps, ça prend du temps d'essayer »
Bon, ça, c’était sur le papier. Il a fallu ensuite mettre les mains dans le cambouis. Et après une matinée de discussion en équipe sur les modalités pratiques d’une phase de test et un vote par consentement à l’unanimité, c’était parti ! À partir du 1er janvier 2025, nous ne travaillerons que du lundi matin au vendredi midi, sans baisser nos salaires, et ce, pendant une première phase de test de 6 mois.
Après un bilan à mi-parcours au mois de mars au cours duquel toute l’équipe a pu faire part de ses surprises, difficultés et apprentissages, nous avons poursuivi notre test jusqu’à la fin du mois de juin. Notre classe verte annuelle dans les montagnes de Chambéry a été le lieu de notre décision finale !
Ce que la semaine de 4,5 jours a changé
« J'ai pris rencard chez l'docteur, chez l'coiffeur, chez l'véto
Hier, j'ai éteint très tard, aujourd'hui j'me suis levé tôt
J'ai pris ma douche, j'ai pris la mouche, j'ai pris la route, mes affaires
J'ai pris l'train, le taxi, j'ai trop pris, j'ai pris cher »
Tant lors du bilan du mois de mars que lors de notre discussion à l’issue de la phase de test, les points positifs remontés ont été nombreux :
- 🌱 Une meilleure conciliation avec les obligations familiales et personnelles
- 🧘♀️ Du temps retrouvé pour souffler et ralentir
- 🏃 Un nouvel espace de liberté pour s’investir ailleurs : bénévolat, sport, aide, etc.
- 🌲 Et pour certains et certaines : un vrai retour à la nature (au sens propre)
Au-delà d’avoir du temps en plus, c’était aussi, pour beaucoup d’entre nous, le fait de savoir qu’un nouveau sas de décompression existait si besoin qui a été un soulagement. Et nous sommes fiers et fières d’annoncer que 75% des personnes de notre équipe ressentaient, lors du bilan final, un meilleur équilibre pro/perso (les 25% restants ont trouvé que leur équilibre était resté le même).
Les défis du changement
« J'ai pris du retard dans ma journée, dans mon planning, dans mon sommeil
J'ai pris d'l'avance sur la fatigue, mais pas vraiment sur le réveil »
Notre relation au travail est une notion intime inhérente à notre environnement amical, familial, notre éducation, notre parcours. Quand on réduit son temps de travail, on touche à certains piliers tels que notre envie de productivité, notre besoin d’accomplissement et de reconnaissance. Et ce panel de sentiments, comme souvent lors de lourds changements organisationnels, viendra toujours apporter son lot de difficultés. Il faut apprendre à travailler autrement, savoir dire non, prioriser, reporter, accélérer, décélérer.
Dans ce contexte, notre plus grand apprentissage à l’issue de la phase de test est simple : ce type de projet doit pouvoir s’appuyer sur un système de communication et de transparence infaillible, surtout dans les premiers mois de mise en place – en tout cas, chez Latitudes, c'est ce qui nous a permis de vivre ce test avec autant de sérénité.
Une décision collective, comme à notre habitude
« Et là, au milieu du monde
Pour que la vie réponde
On a pris le temps »
Et le suspense n’a pas duré longtemps. Il a été décidé à l’unanimité, et toujours lors d’un vote par consentement, que l’équipe salariée de Latitudes travaillerait désormais officiellement 4,5 jours par semaine, du lundi matin au vendredi midi. Toute l’équipe est très fière de porter cette décision qui ne représente pas seulement un changement organisationnel, mais également un message que nous voulons incarner. Une essence que nous voulons voir infuser.
Celle du ralentir, celle du chérir, celle du vivre ensemble.
Regardez-nous, on vous montre que c’est possible et qu’…
« Au milieu du monde
Allonger les secondes
On a pris le temps »
🎶 Musique : "On a pris le temps" de Grand Corps Malade, Ben Mazué et Gaël Faye
Auteurs : Grand Corps Malade, Ben Mazué et Gaël Faye / Compositeurs : Mosimann & Guillaume Poncelet