Quand on parle de sobriété numérique, on a tendance à souvent mettre en lumière les usages numériques : comment les réduire, limiter les écrans, débrancher plus souvent, etc. Pourtant, Il y a une dimension - tout aussi importante - qui fait souvent partie des oubliées : celle de la fabrication.
Alors aujourd’hui, nous n'allons pas parler de l’impact du numérique sur nos vies privées, mais de celui qu’il a avant même d’arriver entre nos mains. Autrement dit, du coût humain et environnemental de sa fabrication dans de nombreux pays comme le Chili, l’Indonésie ou l’Afrique du Sud où sont extraits les métaux indispensables à nos smartphones, tablettes et ordinateurs.
Non, nous allons vous parler de la République démocratique du Congo (RDC).
💡 Car plus de 70 % des réserves mondiales de coltan, un minerai indispensable à la fabrication des smartphones, ordinateurs et objets connectés, se trouvent en République démocratique du Congo (RDC)… Autrement dit, sans le Congo, pas de téléphone, pas d’ordinateur, pas d’objet connecté !
Reportage 👇
Rendez-vous en terre du Congo
La terre de la République démocratique du Congo (RDC) abrite l’un des sous-sols les plus riches du monde : cuivre, cobalt, coltan, manganèse, germanium… autant de métaux devenus indispensables à nos outils numériques.
La terre du Congo, bénie par la nature pour la richesse de ses terres, est dépouillée par les pays occidentaux depuis des siècles. Et depuis la révolution du numérique… le pays n’a pas d’autre choix que de payer le prix fort pour répondre à la demande mondiale.
Dix milliards de smartphones ont été vendus à travers le monde depuis le premier iPhone en 2007. Pourtant, derrière chaque appareil numérique se cache une chaîne d’extraction aux conséquences humaines et environnementales désastreuses.
On en parle dans la Bataille de la Tech, il faut 200kg de matières premières pour fabriquer un smartphone de 5,5 pouces. Chaque seconde, 50 smartphones sont vendus dans le monde, ce qui représente 300 millions de tonnes de matières premières… Et un nombre inestimable de vies sacrifiées.
Quand le numérique devient vecteur de violence et d’oppression
Les innovations tech comme le smartphone, qui sont présentées comme une aubaine dans le monde occidental, ne sont pour l’Est du Congo que des causes de la recrudescence des conflits. Au-delà des conditions d’extractions extrêmes : travail forcé, exploitation d’enfants, pollutions massives, etc. L’exploitation des ressources de la terre congolaise est accompagnée de destructions environnementales et humaines.
Déplacement massif, génocide de la population locale, précarité alimentaire, traumatismes psychologiques, déforestation : la technologie mondiale est alimentée par la souffrance du peuple congolais. En deux décennies d’essor numérique, la région du Kivu a connu plus de 6 millions de morts et des millions de déplacés. Et selon l’Unicef, plus de 40 000 enfants travailleraient dans des mines au sud du pays.
L’horreur qui se déroule au Congo depuis trois décennies, et qui atteint des proportions inimaginables aujourd’hui, est tout sauf un simple désaccord local. Elle est intimement ancrée dans l’histoire de la colonisation : cinq siècles de domination, d’extraction et de dérégulation.
À la fin 19ᵉ siècle, sous le règne d’une brutalité inouïe du roi belge Léopold II, le pays est exploité pour ses ressources comme le caoutchouc et des dizaines de millions de vies sont sacrifiées. Le massacre d’aujourd’hui n’est que l’extension du pillage et de la violence coloniale : ce n’est plus le caoutchouc qui est exploité, mais les réserves de cobalt, moteur invisible de la révolution numérique mondiale.
Avec l’avènement de l’industrie numérique, l’arrivée des Big Tech s’inscrit dans cette continuité d’exploitation et de violences coloniales : pour avoir accès aux réserves de cobalt, l’Occident finance des groupes armés, dont le M23 et des milices rwandaises, pour occuper les terres les plus riches du Congo et assujettir son peuple au travail forcé dans les mines.
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Qu'est-ce qu'on peut faire à notre échelle ?
Les privilèges viennent avec une responsabilité collective, et vous l'aurez compris, nous sommes toutes et tous concernés (sans même le savoir) par des massacres comme celui qui a lieu au Congo. Mais nous avons toutes et tous un pouvoir d’agir et d’aider. 🙂
On vous donne quelques conseils à retenir :
‣ En pratiquant une tech plus sobre, notamment en réduisant notre impact et celui de notre entreprise : éviter l’achat systématique de nouveaux équipements, prolonger la durée de vie des appareils (au moins 5 ans) et privilégier le reconditionné lorsque c’est possible, etc.
👉Pour en savoir plus, Latitudes propose une dizaine d’actions faciles à mettre en place au quotidien pour limiter votre impact, à découvrir ici.
‣ En se renseignant et en visibilisant le conflit.
Si vous découvrez la situation en RDC aujourd'hui, c'est probablement dû au fait que les conflits sur le continent africain sont encore largement sous-médiatisés.
Pour se renseigner sur le sujet, nous vous recommandons :
- Les articles des médias Bissai et Reporterre (qui ont par ailleurs aidé à l'écriture de cet hebdo)
- L’épisode 3 de la série « Consommations, la face cachée de nos modes de vie » de France Inter
- Le film « Muganga, celui qui soigne » actuellement en salle
- ou encore le livre Barbarie Numérique de Fabrice Lebrun
‣ En soutenant des initiatives locales. Par exemple, la Fondation Panzi fondée par le docteur Denis Mukwege, qui accompagne les victimes de violences sexuelles, ou encore la cagnotte de Team Congo qui vient en aide aux enfants du Congo.
Je terminerai avec une citation d’une tribune de l’association Génération Lumière :
« La transition écologique (et j'ajoute numérique) ne deviendra noble qu’en provoquant un changement radical de paradigme, vers un monde où l’écologie, la justice sociale et l’abolition des rapports coloniaux ne feront qu’un. »
🔗 Toutes les ressources utiles :
- https://www.bissai.com/congo-miroir-de-notre-humanite/
- https://reporterre.net/Le-sang-des-Congolais-coule-dans-nos-telephones
- https://reporterre.net/La-folie-du-smartphone-un-poison-pour-la-planete
- https://reporterre.net/Terres-detruites-sang-verse-cet-exile-denonce-les-ravages-de-l-extractivisme-au-Congo
- Et pour aller plus loin, on vous invite également à participer au festival Numérique en lumière fin novembre dont l’objectif est de révéler les coûts cachés du numérique et de la technologie : https://www.point-de-mir.com/numenlum/
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