Dans cet article, on vous parle d'Ada Lovelace, de "bro culture" et de l'indice QPV & Numérique. C'est parti !
c'est-à-dire comment agir pour plus de diversité parmi les concepteurs et conceptrices de nos technologies, afin de construire ensemble des produits à l'image de la population.
Les données clés à retenir :
Cela s'explique :
Face à ces constats, nous prenons conscience que le fait d'évoluer dans un milieu qui s'appuie sur des stéréotypes et des normes sociales bien ancrées a un impact sur l’accessibilité des outils que nous concevons et sur les biais que nous y introduisons ! Nous découvrons aussi qu'il est possible d'agir de 101 manières... Rendez-vous en fin d'article pour les découvrir.
Pour débuter, on voulait s'assurer que l'on parlait bien toutes et tous de la même chose, alors un bref instant définition s'impose. Aujourd'hui, on va traiter de la diversité de l'écosystème tech et de sa représentativité, c'est-à-dire sa capacité à correspondre à la population dont il est extrait. On cherche à s'intéresser à tous les marqueurs de la diversité : origine géographique, socio-culturelle ou religieuse, mais aussi âge, genre ou encore orientation sexuelle.
On préfère vous prévenir tout de suite, chacun des points mentionnés ci-avant pourraient faire l'objet d'un article spécifique (et ce n'est pas juste une expression). Pour que ce message rentre dans votre fiche de lecture, on a donc dû faire une croix sur nos espoirs d'exhaustivité. On a sélectionné les sujets qui nous marquaient, mais cela ne veut pas dire que ce sont les plus importants ! On vous propose bien sûr d'autres ressources en fin d'article pour continuer à explorer – enfin pour l'instant, revenons à nos brebis et à nos moutons.
Ada Lovelace, Grace Hopper, Margaret Hamilton... ça vous parle ? Toutes sont inventrices, visionnaires, pionnières de l'informatique ; on vous passe la liste complète, elle aurait bien du mal à tenir en un simple article ! Comme nous le rappelle Les oubliées du numérique – ouvrage qui offre une re-féminisation de l’histoire de l'informatique – les femmes sont à l'origine de nombreuses inventions dans le domaine technologique.
À partir des années 1950, la programmation est même essentiellement effectuée par des femmes ! Considérée comme une tâche répétitive de secrétariat avancé requérant précision et patience, la programmation a trouvé ses « travailleuses idéales ».
Pourtant, on observe aujourd'hui une inquiétante baisse des effectifs féminins dans le secteur des hautes technologies : alors que la proportion de femmes diplômées « ingénieures en informatique » en France atteignait près de 40% jusque dans les années 80, elles ne sont désormais plus que 15%. Même en prenant le numérique au sens large, les femmes ne représentent que 30% des salariés et salariées – et encore, pas partout : en France, aucune des 10 plus grandes entreprises du numérique n'emploie plus de 30% de femmes ! Le numérique serait donc en panne de diversité, du moins sur le tableau du genre.
Malheureusement, les autres marqueurs de la diversité ne sont pas en reste : l'étude annuelle de Stack Overflow (2020) met en lumière la sous-représentation des minorités ethniques parmi les développeurs et développeuses, avec 70% de personnes blanches ou d'origine européenne. Une étude menée par Diversidays en 2019 relate que l'appétence pour la recherche d’emploi dans le numérique est de 30% plus faible dans les QPV qu’ailleurs en France. Pour rappel, les QPV sont des territoires d'intervention du ministère de la Ville, identifiés selon un critère unique (celui du revenu par habitant/habitante) et qui visent à compenser les écarts de niveau de vie avec le reste du territoire. La même étude pointe que dans les QPV, les femmes sont 5 fois moins amenées que les hommes à rechercher un emploi dans le numérique : voilà un "cas d'école" de double-stigmatisation.
Au-delà des constats, on a surtout eu envie de s'interroger sur les causes de cette chute de mixité dans le secteur technologique et par conséquent sur la manière d'y remédier : on vous en propose un petit résumé !
Comme expliqué ci-dessus, l'informatique était initialement considérée comme un travail fastidieux et « de petites mains ». Mais, à partir des années 70, le secteur devient vecteur de prestige et de profit économique : en conséquence, il se masculinise, notamment via la création de cursus universitaires dédiés, d'un panel bien précis de compétences à acquérir, de journaux, de sociétés, de rencontres, de prix – auxquelles les femmes ont peu accès.
Par ailleurs, dans une enquête menée par Social Builder sur le sexisme dans les formations au numérique, on apprend que 67% des répondantes (étudiantes dans le numérique) attribuent le déficit de femmes dans ce secteur à un manque de légitimité. Dans les travaux de la professeure en science de l'éducation Nicole Mosconi, on (re)découvre qu'historiquement, les savoirs ont été répartis entre les savoirs supposés masculins et les savoirs supposés féminins. La technique, les mathématiques et les sciences étant considérées comme des savoirs masculins, on comprend mieux l'auto-censure des femmes pour ces filières et ce dès le plus jeune âge.
Ainsi aujourd'hui à 15 ans, en moyenne sur l'ensemble des pays de l'OCDE, seules 0,5% des filles souhaitent devenir des professionnelles des technologies de l’information et de la communication (TIC), contre 5% des garçons. « Pour les femmes, nous nous retrouvons alors dans une situation bloquée : elles ont du mal à se projeter dans le prototype de l’informaticien car il est à l’opposé des valeurs que la société leur renvoie. Le fait que le prototype ne soit pas la réalité du métier n’a évidemment que peu d’influence au moment de l’orientation. » résume Isabelle Collet.
En somme, stéréotypes de genre et normes sociales – affectant la confiance en soi – continuent d'expliquer le manque de femmes dans le numérique : ce sont donc les premiers leviers à activer pour rétablir la balance.
En ce qui concerne la diversité ethnique, à nouveau l'histoire se révèle être un outil puissant, qui conditionne nos perceptions et attentes autour des personnalités qui ont "fait la tech". Alors que le magazine Ebony répertorie 57 Afro-Américains et Afro-Américaines travaillant dans le domaine de l'informatique entre 1959 et 1996, ils et elles sont quasiment invisibles dans la narration prédominante autour du développement de l'informatique.
Ces éléments de notre construction sociale contribuent à expliquer pourquoi tant d'organisations demeurent majoritairement blanches (et pas seulement dans le secteur de la tech). Mais c'est loin d'être le facteur unique, nous direz-vous ? Il semblerait que vous ayez raison.
Aux États-Unis, alors que les premiers rapports sur la diversité ethnique au sein des grandes entreprises technologiques de la Silicon Valley datent de 2014, on observe encore peu de progrès malgré une main d’œuvre qualifiée disponible : le pourcentage de personnes noires s'élève aujourd'hui à 2,9% dans les équipes de Salesforce, 3,9% chez Facebook, 4,4% chez Slack, ou encore 4,5% chez Microsoft.
Une partie de ce manque de représentativité trouve son origine dans le recrutement, avec deux dynamiques majeures à l’œuvre. D'une part, les entreprises sont réticentes à élargir les écoles dans lesquelles elles recrutent pour y inclure des écoles et des universités historiquement noires. D'autre part, dans ce secteur le recrutement dépend fortement des recommandations des personnes en poste, un système qui n'est pas inhabituel mais qui peut renforcer les effets de réseau. Si aujourd'hui en France il est difficile d'accéder à de tels chiffres – la collecte de statistiques ethniques étant peu acceptée – on peut supposer que le manque de diversité dans les viviers de recrutement touche aussi les entreprises technologiques de l'Hexagone.
Autre facteur prééminent pour expliquer le manque de diversité dans la tech : sa culture, souvent excluante. Dans un article de Maddyness, Marie Georges, présidente de l’incubateur WILLA (ex-Paris Pionnières) argumente que « la "bro culture" est un élément inhérent au monde de la tech, aux startups des nouvelles technologies et du digital. En effet, celles-ci sont nées dans la Silicon Valley, un monde d’hommes blancs, hétérosexuels, sur-diplômés et aisés » ; un monde dans lequel il est difficile de naviguer pour tout individu n'étant pas issu de cette culture dominante.
Ainsi dans une étude parue en 2020 aux États-Unis, on apprend que 24% des personnes s'identifiant comme gays, lesbiennes, bisexuelles, ou queers estiment que leur lieu de travail n'est pas un espace sûr pour les personnes LGBTQ+. Autre échantillon, même constat : toujours selon les travaux de Social Builder sur le sexisme dans les formations, on observe que 7 femmes sur 10 ayant répondu à cette étude estiment avoir été l’objet de sexisme au sens large, allant de la blague au chantage sexuel. Un sexisme qui en décourage plus d'une, puisque dans une étude publiée en 2008 aux États-Unis et mise à jour en 2014, on constate qu'au fil du temps, 52 % des femmes qui travaillent pour les entreprises du domaine des sciences, de l'ingénierie ou de la technologie finissent par quitter leur emploi, chassées par des environnements de travail hostiles et une culture machiste.
On a donc encore beaucoup à faire pour créer un environnement inclusif dans lequel chacun et chacune se sentirait en pleine possession de ses moyens.
Commençons déjà par prendre conscience de nos propres faiblesses : le fait d'évoluer dans un milieu qui s'appuie sur des stéréotypes et des normes sociales bien ancrées a un impact sur l’accessibilité des outils que nous concevons et sur les biais que nous y introduisons !
L'histoire de l'algorithme de recommandation sexiste, utilisé par Amazon dans ses recrutement jusqu'en 2014, est un bel exemple en la matière : entraîné sur les données dont disposait l'entreprise (historiquement quasi exclusivement des CV masculins), le système en était venu à déduire que les candidats masculins pour ces postes étaient préférables, écartant systématiquement les candidatures féminines.
Face à ces constats, nous pouvons décider d'agir ! Parmi les possibilités :
Pour continuer à explorer ce sujet, on vous conseille :
On vous souhaite une très bonne journée, et on vous retrouve pour notre prochaine cause : « Pour une technologie plus accessible ».
Cette série d'articles fait partie d'un parcours d'initiation à la Tech for Good que nous animons chaque mois. Pour vous y inscrire et échanger avec d'autres personnes qui réfléchissent à ces sujets, on vous donne rendez-vous ici.
Chez Latitudes, nous veillons à utiliser un langage inclusif. Peut-être avez-vous remarqué que nous déclinions de nombreux termes au féminin et masculin : “étudiants et étudiantes” par exemple. En effet, le point médian qui est souvent de mise dans ce cas n’est pas (encore) accessible aux lecteurs d’écran des personnes malvoyantes, et nous ne voudrions pas les exclure.
Il s'agit de l'un de nos petits pas, ces petites choses que nous essayons de faire au mieux... malgré nos imperfections.